Le phénomène familial est souvent étudié sous l’angle de ses transformations morphologiques : divorce et garde d’enfants, monoparentalité féminine, recomposition familiale et, plus récemment, familles gaies. L’insertion massive des mères en emploi reste à l’ordre du jour, en particulier dans les sociétés familialistes, tout comme la conciliation famille-travail et les transformations du rôle paternel. L’égalité formelle du statut familial des femmes semble enfin atteinte dans plusieurs sociétés mais accuse un recul dans d’autres régions du globe.
D’autre part, les rapports nombreux et multiformes entre le Nord et le Sud ainsi que leur quasi-instantanéité ont suscité la (ré-)émergence et la généralisation d’anciens et de nouveaux phénomènes familiaux tels l’adoption internationale, la délocalisation familiale intra ou extra-nationale, le maintien de liens familiaux à distance, les mariages arrangés ou de nature commerciale, les systèmes migratoires de travailleuses domestiques.
De plus, la géométrie sociale variable de certaines avancées technologiques maintenant largement disponibles produit des effets insoupçonnés et paradoxaux sur les familles : à titre d’exemple, les échographies permettent de connaître le sexe du fœtus mais ouvrent aussi la porte aux avortements sélectifs, la procréation assistée résout des situations d’infertilité mais décuple aussi les grossesses multiples et les naissances prématurées, les avancées de la contraception permettent le contrôle des naissances mais aussi l’augmentation des stérilisations involontaires
Par ailleurs, dans certaines sociétés industrialisées, la maternité semble désuète et sa définition fluctuante.
Le concept de polyparentalité permet-il de mieux appréhender la variété et la succession de formes familiales, de rôles et statuts des femmes adultes en leur sein? Permet-il de mieux saisir l’évolution et la variété des fonctions familiales dans les sociétés en développement, dans les sociétés industrialisées ou dans les économies en émergence? Permet-il de mieux rendre compte de la réalité des femmes adultes au sein des différentes classes sociales et groupes culturels ou ethniques qui composent ces sociétés ainsi que de perspectives sociales et culturelles multiples? Permet-il de rendre compte de situations aussi diverses que celles de travailleuses domestiques qui sont à la fois mères substitut et pourvoyeuses au sein de deux familles dans des régions différentes du globe; de familles en situation d’extrême pauvreté ou d’appauvrissement accéléré; de grands-mères qui remplacent leurs filles décédées du sida là où sévit la pandémie; ou encore de femmes qui doivent maintenant prendre en charge à la maison des soins médicalement complexes d’un proche? Le recours à un terme neutre comme celui de la polyparentalité permet-il de mieux saisir la diversité et la fluidité des rôles parentaux de même que la nature diverse et changeante des rapports entre hommes et femmes dans ce contexte?
Ce numéro de Recherches féministes réalisé sous la direction de Denyse Côté propose un tour d’horizon des multiples facettes de la polyparentalité en regard des rapports sociaux de sexes. Rappelons que Recherches féministes est une revue interdisciplinaire francophone d'études féministes publiée par le Groupe de recherche multidisciplinaire féministe (GREMF) de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval.
Table des matières
Présentation
Estelle Lebel
Dossier
Denyse Côté
La polyparentalité : un genre nouveau?
Mary Garcia Castro
Famille, genre, génération et sexualité au Brésil
Isabel Côté
La lesboparentalité : subversion ou reproduction des normes?
Anne Le Bris
La maternité interdite : être mère sans être épouse en Tunisie. Entre déni et « normification »
France Dupuis et Marce la Ded ios
L’impact de la violence conjugale sur les enfants : quel parent est responsable?
Martine Gross
Être grand-parent dans un contexte homoparental en France : chassez le biologique par la porte, il revient par la fenêtre
Hors thème
Virginie Rozée
La problématique de l’avortement en Bolivie
Francis Dupuis-Déri
Le « masculinisme » : une histoire politique du mot
(en anglais et en français)
Biljana Stevanovic
Insertion professionnelle des femmes à la sortie de l’école : exemple de la France
Comptes rendus
LAURE BERENI, SEBASTIEN CHAUVIN, ALEXANDRE JAUNAIT ET ANNE REVILLARD. Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre.
Fabienne Baider
KATHERINE ROUSSOS. Décoloniser l’imaginaire. Du réalisme magique chez Maryse Condé, Sylvie Germain et Marie NDiaye.
Paula Beaulieu
MICHELINE DUMONT. Le féminisme québécois raconté à Camille.
Marie-Andrée Bergeron
DANIEL DELANOË. Sexe, croyances et ménopause.
Chantal Doré
PERLA SERFATY-GARZON. Enfin chez soi? Récits féminins de vie et de migration.
Nadia Ghazzali
JULIE LEBLANC. Genèses de soi : l’écriture du sujet féminin dans quelques journaux d’écrivaines.
Sara-Juliette Hins
YVONNE KNIBIEHLER. Qui gardera les enfants? Mémoire d’une féministe iconoclaste.
Romaine Malenfant
MARTINE GROSS. L’homoparentalité.
Ann Robinson
EDWIGE ANTIER ET MARTINE GROSS. 2 papas, 2 mamans, Qu’en penser? Débat sur l’homoparentalité.
Ann Robinson
MANON TREMBLAY. Cent questions sur les femmes et la politique.
Stéphanie Rousseau
MARYLÈNE LIEBER. Genres, violences et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en question.
Sylvie Thibault
MARIE-AIMÉE CLICHE. Maltraiter ou punir? La violence envers les enfants dans les familles québécoises 1850-1969.
Jean Trépanier
DANIELA ROVENŢA-FRUMUŞANI. Concepts fondamentaux pour les études de genre.
Théodora-Éliza Vãcãrescu