Le 3 décembre 2003 à la Maison de la culture de Gatineau, Nathalie Normandeau, ministre du Développement économique et régional, rencontrait 80 personnes issues d'instances municipales et régionales, de municipalités régionales de comté (MRC) et de la société civile afin de recueillir leurs opinions sur la "nouvelle gouvernance des régions" proposée à travers le projet de loi 34.
Les interventions ont surtout porté sur la composition de la conférence régionale des élus (CRÉ, un appareil qui doit compter une douzaine de membres, aux deux tiers des élus et, pour un tiers, des membres de la société civile). Les élu-es municipaux de l'Outaouais, préfets et maires, ainsi que le conseil d'administration du CRDO ont présenté une proposition unanime visant à s'assurer d'une meilleure représentation de la ville de Gatineau au futur conseil d'administration de la CRÉ, car le projet actuel consacrerait une sous-représentation de celle-ci. En effet, contrairement à Québec et à Montréal, Gatineau ne comporte pas d'arrondissements et les sièges prévus par la loi pour les présidents des conseils d'arrondissement seront donc vacants.
Par ailleurs, la composition proposée des CRÉ remet en question la participation de la société civile aux instances régionales. Ceci inquiète beaucoup les femmes, de même que les mileux communautaires et scolaires qui craignent d'être laissés pour compte. C'est pourquoi le conseil d'administration du CRDO a présenté à la ministre une résolution demandant qu'un tiers des membres soit obligatoirement (plutôt que facultativement) issu de la société civile (pdf).
La représentation des femmes aux CRÉ pose particulièrement problème. En Outaouais, la proportion de femmes au CRDO, chargé de la planification du développement de la région, est de 42,2%. Mais si la composition proposée des CRÉ est maintenue, et si les élus ne nomment pas de membres de la société civile aux CRÉ (ils ne sont pas tenus de le faire dans la version actuelle du projet de loi 34) ou encore s'ils ne nommaient que des hommes, le taux de présence des femmes baisserait à moins de 15%, la région ne comptant qu'une seule préfète. Cette situation est semblable dans la plupart des régions du Québec. En effet, en 2002, on ne recensait que 118 mairesses pour 1.084 municipalités et 6 préfètes pour 87 MRC. Ces dernières années, la présence des femmes a progressé surtout au niveau des conseillères municipales… qui ne feront pas partie des CRÉ.
La ministre Normandeau a bien accueilli ces propositions et elle a souligné que les élus municipaux auraient une responsabilité morale de s'asssurer de la présence des femmes au sein des CRÉ. Les décideurs de la région de l'Outaouais semblent déjà très conscients de l'importance des contributions des femmes au développement de la région. Il est donc à souhaiter que la réforme des modes de gouvernance régionale au Québec ne se fasse pas au détriment de la capacité de ces femmes de participer pleinement à la prise de décisions quant aux grandes orientations régionales. La réforme proposée par la loi 34 aura des effets en ce sens pour les années à venir.
Pages reliées :
La décentralisation à la sauce outaouaise, ORÉGAND, 17.11.2004
La gouvernance régionale : source d'enjeux de citoyenneté pour les femmes, ORÉGAND, 06.10.2004
Propositions en ce qui concerne la place des femmes au sein des CRÉ (pdf), Réseau des tables régionales des groupes de femmes du Québec et CIAFT, 04.2004
Bilan du développement régional : La "nouvelle gouvernance" inquiète beaucoup, Gilles Roy, 31.12.2003
L'économie communautaire se sent menacée à son tour, Rudy Le Cours, 04.12.2003
Maintenir la place des femmes dans le développement local, Vision Femmes Beauce-Sartigan, 02.12.2003
Statistiques sur la présence des femmes dans les lieux décisionnels et consultatifs en Outaouais au 01.12.2003 (pdf), CSF
Commentaires sur le projet de loi no 34 (pdf), CSF, 12.2003
La société civile est fondamentale pour la démocratie, Institut Nord-Sud, 20.11.2003