Dans un récent article, le célèbre écrivain péruvien Santiago Roncagliolo signale l’existence d’une culture "féminicide" au Guatemala, associée à l’État pourtant appelé à créer une société juste et égalitaire. Il cite Norma Cruz, directrice de la Fundacion Sobrevivientes de Guatemala, selon laquelle cette tradition d’homicide envers les femmes se serait établie pendant la guerre civile. À l’époque, ces "fournisseuses de futurs guérilleros" étaient considérées comme une cible prioritaire.
Bien que la société dans son ensemble subisse la violence, la situation des femmes est particulièrement précaire à cause de la domination physique, économique et culturelle des hommes. Et c’est à tel point que Mme Cruz croit que de nos jours, elles sont davantage vulnérables qu’au temps de la guerre.
Ainsi, selon la porte-parole de la Fondation, depuis l’an 2000, on compte 3,300 meurtres dont les victimes sont des femmes. Ces meurtres sont commis par des bandes armées, des trafiquants, des forces policières et des conjoints. Ce qui est bouleversant, c’est que cette violence provienne fréquemment de l’État et reste toujours impunie. Ainsi, en 2005, sur un total de 665 femmes assassinées, aucun procès n’a été ouvert et personne n’a été condamné. À ce sujet, la police considère que toute femme morte qui porte une minijupe et qui a les ongles vernis est une prostituée et que le cas ne mériterait donc pas l’ouverture d’une enquête. Les corps et les vêtements qui ne sont pas réclamés sont jetés à la fosse commune, ce qui élimine des preuves. Dans l’ensemble des cas, lorsqu’elles ne sont pas impliquées dans les agressions, les institutions publiques restent indifférentes à la souffrance, de nombreux gestionnaires publics considérant la violence envers les femmes comme une affaire domestique qui regarde la vie privée de chacune. Notons que cette problématique est présente dans une bonne partie de l’Amérique latine.
Pages reliées :
Ciudad Juárez : Le féminicide toujours impuni, Gisèle Bourret, 10.05.2004
[RISAL] Guatemala