Quatrième d’une série de rapports thématiques publiés par la Fédération canadienne des municipalités (FCM) dans le cadre de son Système de rapports sur la qualité de vie (SRQDV), Logement abordable et itinérance : tendances et enjeux porte sur les tendances relevées dans les domaines du logement et de l’itinérance dans les 22 collectivités participantes au SRQDV – représentant plus de 50% de la population – dont Gatineau, Ottawa, Laval de même que les Communautés métropolitaines de Montréal et de Québec. La période visée s’échelonne de 2000 à 2006, tout en se basant sur les constatations tirées d’un rapport publié en 2004, intitulé Revenus, logement et nécessités de la vie, qui analysait les changements survenus entre 1991 et 2001.
Des besoins accrus et un filet de sécurité sociale rétréci
Globalement, le rapport de 2004 permettait de constater qu’alors que la plupart ont connu une période plutôt prospère pendant les 10 ans examinés, d'autres ont été durement frappés par la poussée des frais de logement. Parallèlement, le rôle du filet de sécurité sociale – tant l’aide sociale que le logement social – a échu de plus en plus aux refuges d’urgence et aux banques alimentaires, ou a complètement disparu. La marginalisation de plusieurs groupes économiquement faibles – dont les personnes immigrantes récemment arrivées – a continué de progresser.
Ce rapport faisait état de plusieurs tendances inquiétantes qui se sont dessinées entre 1991 et 2001 :
• selon cinq des sept indicateurs utilisés pour mesurer le risque d’itinérance, la situation s’était détériorée
• la proportion des ménages locataires qui consacrent plus de 30% de leur revenu au logement était passée de 35 à 41%
• le coût des logements à loyer modique avait augmenté de 20% de plus que le revenu des personnes à revenu modeste.
Il ressortait également que toutes les municipalités étaient touchées – quoique de façon différente – par ces tendances.
Par le passé, le financement nécessaire à la création de logements abordables et à la prestation de revenus convenables aux groupes les plus dans le besoin provenait des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Or, au cours des deux dernières décennies, les provinces ont diminué de façon considérable leurs investissements dans ces domaines. Les dépenses des gouvernements locaux dans ce secteur ont augmenté au cours de cette période, mais les municipalités ne peuvent pas assumer à elles seules le rôle joué auparavant par les autres ordres de gouvernement
Hausse de l’accession à la propriété et croissance modeste du secteur locatif
"Revenus, logement et nécessités de la vie" faisait également état d’un virage généralisé vers l’accession à la propriété assorti d’une offre insuffisante de logements locatifs neufs, privés et hors marché. Les données pour la période de 2000 à 2006 semblent indiquer un prolongement de ces tendances dans les 22 collectivités participantes au SRQDV. En conséquence, une importante proportion de la population, principalement les couples et les familles biparentales, a pu tirer avantage d’un accroissement de l’accession à la propriété. Soutenue par des taux d’intérêt ayant atteint des creux historiques, cette tendance s’est accompagnée d’une rapide croissance démographique, d’une hausse des revenus et d’un virage vers la construction d’immeubles en copropriété et de maisons en rangée d’un coût relativement moins élevé.
Alors que l’accession à la propriété était à la hausse, le secteur locatif faisait face à une situation beaucoup moins dynamique. À l’opposé de la période 1991-2001, les taux d’inoccupation étaient plus équilibrés et les hausses de loyer plus modestes.
Pressions sur les gouvernements municipaux
Dans le contexte d’une forte croissance démographique et d’une accession dynamique à la propriété, plusieurs tendances laissent entrevoir de sérieux défis pour les gouvernements municipaux des grands centres urbains. Il s’agit, entre autres, du double défi posé par une population vieillissante et la croissance soutenue du nombre de jeunes familles. En outre, la hausse du prix des maisons a pris une avance considérable sur la croissance des revenus, même pour les couples et les familles biparentales, qui bénéficient toutefois d’une relative prospérité. La croissance des revenus a été beaucoup plus lente chez les familles monoparentales et les personnes seules, lesquelles ont dû faire face à des obstacles sérieux et croissants à l’accession à une propriété abordable. Bien que la location demeure une solution de rechange, la construction de nouveaux logements locatifs piétine, loin derrière les niveaux historiques. Même si un tiers des ménages sont locataires, moins de 9% de tous les logements construits dans les grandes villes canadiennes entre 2001 et 2006 étaient des logements locatifs.
Trouver un logement abordable, un défi pour les groupes vulnérables
Les avantages du virage dynamique vers l’accession à la propriété et des modestes hausses de loyers n’ont d’aucune façon été partagés de manière égale, et il existe toujours des sans-abri dans toutes les régions. En 2006, même les petites municipalités et la plupart des municipalités de banlieue participantes au SRQDV avaient besoin de refuges d’urgence. Selon les données du Système d’information sur les personnes et les familles sans abri (SISA) de la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance, il existait plus de 20,000 lits en refuges permanents dans les 22 collectivités participantes.
Alors que les couples et les familles biparentales s’en tiraient relativement bien, les plus vulnérables étaient encore exclus du marché de l’habitation par suite des tendances évidentes au cours de la période allant de 2001 à 2006. La demande non satisfaite de logements était fortement liée à l’insuffisance des revenus. Les secteurs de la population exclus du marché privé de l’habitation regroupaient, encore une fois, les familles à faible revenu, les familles monoparentales et les personnes seules, ainsi que les bénéficiaires de l’aide sociale. Bien que les hausses du salaire minimum aient amélioré la situation pour de nombreux travailleurs à faible revenu – le salaire minimum se situant maintenant aux environs de 8 $ l’heure dans toutes les provinces – les personnes seules et les familles monoparentales de ce secteur de la population ont continué de se débattre pour faire face au coût élevé du loyer.
Renouveler le parc de logements locatifs
Selon le Recensement de 2006, 10% de tous les logements locatifs ont besoin de réparations majeures, et les immeubles dans lesquels sont situés les logements locatifs du premier quartile ont en moyenne 50 ans. Parallèlement, le parc de logements sociaux se détériore rapidement en raison du manque chronique de financement pour soutenir l’entretien et la modernisation.
Par ailleurs, le fait que les taux d’inoccupation des logements locatifs les plus abordables soient relativement élevés alors que les listes d’attente de logements sociaux sont longues indique que le marché locatif privé n’est pas en mesure de répondre aux besoins des ménages les plus vulnérables. Il serait donc urgent de réinvestir dans le parc de logements locatifs et le parc de logements sociaux.
Vers un plan d’action national en matière de logement et d’itinérance?
Alors que des milliers de familles ont de la difficulté à se trouver un logement approprié et abordable, l’aide fédérale pour le logement prendra fin en mars 2009. Selon la FCM, le Canada a plutôt urgemment besoin de renouveler son engagement financier et d’adopter un plan d’action national en matière de logement et d’itinérance. Le 23 janvier 2008, la FCM remettait un plan d'action aux ministres fédéral, provinciaux et territoriaux du logement, en vue de leur réunion annuelle qui a lieu en février à Vancouver. La FCM demande que tous les gouvernements collaborent avec les municipalités en vue de relever les défis communs à toutes les municipalités.
Le Plan d’action examine trois scénarios d’investissement. Le choix privilégié par la FCM est celui de niveau médian, qui prévoit un montant de 3,35 milliards $ par année et qui ne nécessite qu’une hausse marginale des dépenses par rapport à leur niveau actuel. Ces coûts seraient partagés par les gouvernements fédéral et provinciaux/territoriaux, et les municipalités joueraient également un rôle actif au moyen de stratégies locales.
"Nous sommes très préoccupés par la fin prochaine de tous les programmes de logement fédéraux", a indiqué Gord Steeves, président de la FCM. "Il n’y a pas de choix. Le gouvernement fédéral doit mettre fin à l’incertitude chronique concernant le logement abordable dans ce pays et jouer un rôle de chef de file fort en s’engageant à mettre en œuvre une stratégie à long terme en collaboration avec les provinces et les municipalités ainsi qu’avec le secteur communautaire. Aujourd’hui, nous proposons un plan ambitieux mais réaliste pour régler les problèmes les plus urgents."
Pages reliées :
Un rapport de la FCM sur les principaux problèmes et défis auxquels sont confrontées les municipalités canadiennes, 16.04.2008
Vaincre l'itinérance - Les maires ont besoin de l'aide des gouvernements, Radio-Canada, 23.01.2008
Ottawa-Gatineau - Logement social : Toujours un défi, Radio-Canada, 17.01.2008