par Sandra Breux, professeure à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal
Il est courant d'affirmer que l'administration municipale est le creuset de la démocratie, en raison notamment de la proximité qu'elle permet entre représentants et citoyens. Cette proximité peut toutefois être remise en question. On constate en effet que nos élus locaux sont peu représentatifs de la population qui les élit : on dénombre ainsi en 2009 près de 14% de mairesses et près de 27% de conseillères municipales (Conseil du statut de la femme, 2009). Si on ne peut que se réjouir de la nette progression de la présence des femmes à l'échelle locale depuis 20 ans, on ne peut passer sous silence le ralentissement de cette progression depuis quelques années.
En dehors des processus de restructuration de l'échelle municipale qui pourraient venir expliquer une partie de ce ralentissement, la présence des femmes en politique municipale semble plafonner à 30%. Et trop nombreux encore sont les conseils municipaux exclusivement masculins. Les obstacles structurels et conjoncturels susceptibles d'expliquer de tels chiffres sont bien connus. Moins connues sont toutefois les initiatives menées dans tout le Québec pour susciter les candidatures et l'élection de femmes.
Plus encore, le silence des médias nationaux sur de telles actions est frappant. En effet, les initiatives menées pour inciter les femmes à s'engager dans la politique municipale sont nombreuses et distinctes selon les régions du Québec. Citons à titre d'exemple le Bottin des élues 2005-09 du Saguenay (dont l'objectif est d'encourager le maintien des élues municipales et de susciter l'intérêt de futures candidates), le Réseau femmes et politique municipale de la Capitale-Nationale, l'agenda-guide de la Mauricie, l'École d'automne de l'Estrie, les actions du Conseil des Montréalaises, du groupe AGIR en Outaouais ainsi que celles des Écoles femmes et démocratie, mises sur pied par le Centre de développement Femmes et gouvernance. [...]
Il convient également de noter que de tels groupes ne concentrent pas uniquement leurs efforts sur l'augmentation de la présence des femmes en politique municipale : la question de la place des jeunes et des membres issus des communautés ethnoculturelles est également au coeur de leurs actions.
Ces dernières années, le Réseau des femmes des Laurentides a ainsi mis sur pied une formation pour les femmes issues des communautés culturelles, et le Forum jeunesse de cette région s'est également fortement impliqué dans ce dossier. Un même constat peut être fait en Montérégie. Notons également la Charte des valeurs pour des municipalités équitables mise en place par la Table de concertation des groupes de femmes du Bas-Saint-Laurent. Pourquoi donc les médias nationaux s'intéressent-ils si peu à de telles actions?
Ce manque d'intérêt est d'autant plus étrange que ces initiatives locales et régionales complètent celles mises en place par les instances nationales (ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, Conseil du statut de la femme ou bien encore le Secrétariat à la condition féminine).
Il est certes possible de penser qu'un tel désintérêt des médias pour ce sujet tient à la mauvaise réputation de la démocratie locale au Québec et au statut particulier des municipalités. L'idée selon laquelle les municipalités ne traitent que des questions d'aqueducs et d'égouts et ne sont que des fournisseuses de services est hélas encore trop présente dans les mentalités. Il est grand temps que les médias nationaux s'intéressent de plus près à ces administrations et fassent connaître la multitude et la variété des initiatives mises en place pour que l'on puisse enfin se donner toutes les chances de se doter d'un gouvernement local à l'image de la population qu'il représente.
Ont aussi signé ce texte :
Marie-Noëlle Bélanger-Lévesque (ConcertAction femmes Estrie), Johanne Blais (Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie), Lucie Brault (Table de concertation des groupes de femmes du Bas-Saint-Laurent), Isabelle Brousse (Réseau des groupes de femmes de Chaudière-Appalaches), Nicole Charette (Femmes et politique municipale de l'Estrie), Ginette Côté (Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles), Linda Crevier (Réseau des élues municipales de la Montérégie), Nathalie Dubé (Réseau femmes et politique municipale de la Capitale-Nationale et Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale), Caroline Gagnon (Comité de condition féminine Baie-James), Emmanuelle Hébert (chercheuse, Montréal), Élaine Hémond (Centre de développement femmes et gouvernance), Julie Leclerc (Association des femmes de carrière du Québec), Pierrette Marcotte (Centre de femmes du Haut-Richelieu), Lucie Perron (Centre-Femmes La Jardilec), Andrée Villeneuve (Table de concertation des groupes de femmes du Saguenay-Lac-Saint-Jean).
Source : Le Devoir, 23.07.2009