par Odler Robert Jeanlouie
L'année 2010 a commencé sur un ton optimiste, un optimisme contagieux. Chacun avait de la joie au cœur. Nous avions tous atteint la deuxième décennie du vingt-et-unième siècle. Nous regardions le futur de nos familles et de notre pays avec l'assurance que la vie ne pouvait que s'améliorer. Nos buts communs, à long et à moyen termes, semblaient à portée de la main.
Et puis soudainement, il y a de cela deux semaines, le ciel nous est tombé sur la tête. Non, disons que la terre s'est dérobée sous nos pieds. Aujourd'hui, notre cerveau peut à peine embrasser l'étendue de la catastrophe. Un coup d'arrêt a été porté à notre vie quotidienne. Notre avenir s'est soudainement obscurci. Nos nuits, même pour ceux qui n'étaient pas sur place, sont hantées par les images télévisées. Nous faisons les rêves cauchemardesques d'être enfermés dans des bâtiments secoués sur leurs bases, ou d'être enterrés vivants alors que nos cris ne parviennent pas à l'oreille de quiconque.
Nos familles sont démembrées. Nos amis sont morts ou portés disparus. Souvent, l'œuvre de notre vie, l'oeuvre de toute une vie, que ce soit une source de revenus ou un enfant chéri, est engloutie pour toujours. C'est tout à recommencer. Pour un pays, pour une nation, c'est tout à recommencer, comme au premier janvier 1804. Ou pire.
À coté du trauma physique, nous souffrons d'un trauma psychologique. Les effets de la maladie post-traumatique sont prouvés. Les stigmas seront profonds, mais personne n'est là pour les prévenir. Personne ne parle de psychologues pour nous, pour nos enfants, pour nos campagnards empilés dans un camion-bascule faisant route vers des champs stériles, des montagnes dénudées qu'ils avaient fuis pour une capitale prometteuse.
Deux semaines après une catastrophe qui, pour une fois, n'a épargné personne (riches et pauvres, intellectuels et illettrés), on se demande par où l'Haïtien va commencer son lendemain meilleur.
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Pascale Merlet répond à Odler Robert Jeanlouie :
Comme tu dis vrai! Merci, Odler, tu as su exprimer tout ce que je ressens... Je me sens si vide et si désespérée... Je rêve les yeux ouverts de l'agonie de ma soeur, de ma cousine... et de tous les autres enfermés et prisonniers des décombres, comme tu dis, enterrés vivants, je ressens physiquement la panique, et je tremble, et l'idée de la peur qu'ils ont éprouvée me torture...
Et je ne peux même pas penser à l'éventualité d'un lendemain meilleur.
Page reliée : Open Letter from Nathalie Brunet, Ciné Institute Jacmel, 27.01.2010