par María Suárez Toro, Santo Domingo, 27 janvier 2010
Le 29 janvier, lors de la première radiodiffusion en direct du Camp de solidarité Myriam Merlet, Anne-Marie Coriolan et Magalie Marcelin, après la description faite par Lise Marie Dejean, une militante haïtienne de l'organisation SOFA (Solidarité des femmes haïtiennes), au sujet de la dévastation du pays - effondrement des bâtiments, nombreux décès et blessé-es, disparation de la mémoire historique enterrée sous les débris de la bibliothèque nationale et d'EnfoFanm - un journaliste lui a demandé : alors que reste-t-il? Lisa Marie l’a regardé droit dans les yeux, puis lui a dit : la force des survivant-es.
Sans contredit, l’une des grandes pertes du peuple haïtien est une partie de leurs racines. En effet, la mémoire historique d’Haïti était préservée dans la bibliothèque nationale tandis que celle du mouvement des femmes l'était dans le bureau d'EnfoFanm, la première organisation de femmes créée en Haïti. Cette mémoire a survécu partiellement grâce aux archives d'émissions de radio et de télé, de documents sur internet ainsi que par les livres produits par les femmes journalistes latino-américaines et caribéennes qui remettront d’ailleurs ce qu’elles ont au mouvement des femmes haïtiennes.
Les femmes haïtiennes ont également dit qu'avec la perte de leurs trois leaders, et tant d’autres, leur tradition orale persiste dans la mémoire de celles qui ont survécu. Nous devons les interviewer et obtenir des ressources afin de diffuser ces entrevues en créole et les traduire dans d'autres langues par la suite. Même si elles sont dévastées par la perte de leurs sœurs, les femmes haïtiennes n'ont pas abandonné, et ce, grâce à la solidarité de tellement de femmes et d’hommes et à leur propre force intérieure.
Le 8 mars 2010, lors des célébrations du centenaire de la Journée internationale des femmes, nous honorerons trois grandes féministes haïtiennes : Myriam Merlet, Magalie Marcelin et Anne-Marie Coriolan. Il est important d'avoir votre appui pour faire une campagne médiatique massive. Les femmes haïtiennes ont décidé de faire leur deuil de ces trois grandes femmes de cette manière, pour les laisser partir, mais en s’assurant de garder leur empreinte en nous toutes et tous, et ce, à tout jamais.
Il y a un autre accomplissement que nous désirons partager avec vous aujourd'hui. La radio féministe internationale (FIRE) et le centre de communications du camp de solidarité avaient soumis une demande à INDUTEL, un organisme qui assigne les fréquences radio en République dominicaine, afin d'obtenir un appui et une plate-forme technique pour installer une station de radio a ondes courtes à l’intérieur du camp. Cette radio s’ajoutera à la radio opérée par FIRE sur l’internet, qui diffusera sa première radiodiffusion en direct d’Haïti (en anglais), le 29 janvier à 16h, heure d’Haïti.
INDUTEL a accepté d'assigner une fréquence sur la bande FM et nous a prêté un émetteur d'un kilowatt de portée qui sera employé pour la radiodiffusion en direct du centre de communications. La radio contribuera à ouvrir les canaux de communication pour les femmes et leurs communautés, afin que leurs voix puissent être entendues, exprimant ainsi leur douleur mais aussi leur force de vivre, afin de donner aussi accès aux informations sur les services offerts et d'aider les communautés à se coordonner.
Dans des contextes de crise, la radio peut être particulièrement thérapeutique. Elle peut également mobiliser la solidarité des femmes et des hommes en dehors d’Haïti qui écoutent en direct les voix de celles et ceux qui sont affectés par le désastre et celles des protagonistes sur le terrain. Les radios sur l’internet sont fréquemment les seuls médias qui fonctionnent quand l'électricité est coupée ou inexistante, servant de ponts avec les autres médias tout en permettant aux initiatives qui se mettent en œuvre d’être disséminées dans la région et partout à travers le monde.
D’autres participants au centre de communications (physique ou virtuelle) sont des blogues et des réseaux sociaux électroniques organisés par des femmes de la région, tels que l'Alianza Mediática Continental, SEM/LAC, CIMAC, Cotidiano Mujer, le Réseau international des femmes de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), entres autres.
Le centre fournira l'infrastructure de communication et les services de soutien pour les journalistes et les communicateurs, afin qu’elles et ils puissent faire des reportages et visiter Port-au-Prince.
Les communications et les informations fournies contribueront à développer de l'information sensible au contexte où les Haïtiennes et Haïtiens, en particulier les femmes, jouent un rôle majeur. Le centre fournira également une station de radio mobile à faible portée, actionnée par l'énergie solaire, afin de pouvoir fonctionner même dans le chaos, et ce, pour soutenir les efforts de reconstruction des communautés.
Le centre sera une véritable référence en termes de nouvelles et d'informations auprès d'autres médias.
Nous sommes heureuses de nous relier et de nous unir au peuple haïtien et au reste du monde en utilisant ce type de média. C’est notre manière de les accompagner, de donner la voix et d'informer celles et ceux qui n'ont pas encore été entendus jusqu’ici.