Décédée à 47 ans à Port-au-Prince, Magalie Marcelin était une grande amie et une proche collaboratrice de Denyse Côté, la fondatrice de l'ORÉGAND, tout comme l'était aussi Myriam Merlet, également tuée lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Consultante en projets de développement, Magalie était aussi depuis longtemps engagée bénévolement dans la lutte pour l'obtention de droits pour les filles et les femmes d'Haïti et contre la violence qui leur est faite. La fondatrice de Kay Fanm (Maison des femmes en créole), qui était aussi comédienne, conteuse et danseuse, montait également sur scène entre deux contrats. On a aussi pu la voir dans quelques films, dont Haïti dans tous nos rêves et Anita, dans le rôle d'une restavek.
Dans un article publié en 1999 dans la Gazette des femmes, Sophie Marsolais raconte que Magalie a été élevée par sa marraine, propriétaire d'un hôtel-restaurant. À 14 ans, enflammée par de ferventes discussions avec un prêtre marxiste, elle réalise que la justice sociale ne vient pas avec des prières mais suite à des changements politiques. Persuadée qu'une éducation traditionnelle allait l'opprimer, elle abandonne l'école au premier cycle du secondaire et trouve un emploi d'enseignante dans une école primaire. Elle fait aussi du théâtre de rue pour dénoncer la dictature.
À 18 ans, le gouvernement Duvalier l'expulse pendant « une véritable razzia pour enfreindre les libertés de presse et de parole ». Expatriée au Venezuela, elle y séjourne un an, puis émigre à Montréal où elle réside de 1981 à 1987. En 1982, elle donne naissance à sa fille Maïlé. Elle poursuit des études universitaires en sciences juridiques à l'UQAM et en gestion des coopératives à l'Université de Montréal.
Dès son retour en Haïti, après la chute du régime Duvalier, elle fonde Kay Fanm, une maison qui accueille les femmes violentées. En décembre 2005, soit peu après que la loi cesse de traiter les viols comme des crimes passionnels, Kay Fanm inaugurait le centre REVIV (Revivre) pour soutenir les fillettes et adolescentes agressées sexuellement et leur permettre de surmonter leurs traumatismes.
Magalie accompagne personnellement les victimes de violence et les défend au tribunal, fait des analyses juridiques, produit du matériel didactique, se sert du théâtre dans un but d'éducation populaire et rédige des projets de lois à soumettre au parlement. Grâce à elle, de nombreuses Haïtiennes ont pris connaissance de leurs droits tandis que des femmes ont pu entreprendre des poursuites judiciaires contre leurs agresseurs, et ce, malgré leur pauvreté et leur analphabétisme.
En 1997 à Port-au-Prince, elle participait à l'organisation d'un Tribunal international contre la violence à l'égard des femmes en Haïti, un point tournant de la lutte des femmes en Haïti. « Il a eu un réel effet. Chaque jour d'audience, il y a eu une foule d'environ 400 Haïtiens et Haïtiennes. Partout au pays, on ne parlait que de cela. En dénonçant publiquement la violence, les femmes sont arrivées à briser le silence et à faire reculer la peur ».
Par ses plaidoyers et le courage des victimes elle-mêmes de même que le soutien des organisations de femmes, Magalie réussira à faire criminaliser la violence faite aux femmes jusque là banalisée. Elle aura aussi été l'instigatrice d'une loi qui fait en sorte que les femmes cessent d'être considérées comme des enfants par rapport à leurs maris.
« À la fin des années 1980, on accusait les féministes haïtiennes de singer les féministes occidentales. On montrait du doigt la misère et le chômage pour expliquer la violence faite aux femmes. Aujourd’hui, les discours changent, et ça va continuer même après ma mort! », disait-elle fièrement à Liette Beaulieu de Châtelaine en août 2009.
C'est pour rendre hommage à son oeuvre et à celle de Myriam Merlet que l'ORÉGAND s'est engagé envers Kay Fanm à mobiliser ses ressources afin de réparer les locaux de cet organisme devenu encore plus vital pour les filles et les femmes de Port-au-Prince depuis le terrible séisme. Pour le moment, nous soutenons Kay Fanm dans le travail de mise sur pied de la Fondation Magalie Marcelin, qui nous permettra ensuite de recueillir des dons au Québec et au Canada. L'ORÉGAND développe également une section spéciale dédiée à la mémoire de Magalie, Myriam et Anne-Marie Coriolan et au camp de solidarité mis sur pied en leurs noms, de même qu'un groupe Facebook qui rend hommage à ces trois leaders très regrettées.
Pages reliées :
Magalie Marcelin : LADY, Pierre Raymond Dumas, Le Nouvelliste en Haiti, 04.01.2011
Vidéo - Reportage sur la violence sexuelle et Kay Fanm, Radio-Canada, 22.04.2010
Les féministes se souviennent et se mobilisent - Hommage à Anne-Marie Coriolan, Magalie Marcelin et Myriam Merlet, 08.03.2010
Gender and Justice in Haiti - Remembering Magalie Marcelin, a leader of Haiti's movement for women's rights, Beverly Bell, yes!, 17.02.2010
Un hommage à Magalie Marcelin sur CISM, ORÉGAND, 31.01.2010
Entrevue de Denyse Côté à l'émission Le monde selon Mathieu, Radio-Canada Ottawa-Gatineau, 22.10.2010
Entrevue avec Michèle Turenne qui parle entre autres de Magalie, sa meilleure amie, Radio-Canada, 17.01.2010
Magalie, Emmanuelle Latraverse, Radio-Canada, 17.01.2010
Women's movement mourns death of 3 Haitian leaders, Jessica Ravitz, CNN, 25.01.2010
Déclaration de Kay Fanm à l’occasion de la Journée internationale contre la violence envers les femmes, Magalie Marcelin, 25.11.2009
Sex attacks blight lives of Haitian girls, Tracy McVeigh, The Observer, 08.03.2009
Violences faites au femmes - Le silence s'effrite, AlterPresse, 06.03.2009
Nous réclamons la justice sociale!, Amnistie internationale, 29.04.2004