Le Canada ignore les droits humains fondamentaux des femmes les plus pauvres et les plus vulnérables, et particulièrement ceux des femmes autochtones, affirme l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale (AFAI) dans un rapport déposé le 2 février et signé par 33 organisations. Pas d'action : pas de progrès analyse la réponse du Canada aux recommandations prioritaires émises suite à l'examen 2008 du Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDEF). Le comité avait alors identifié deux domaines dans lesquels les violations des droits humains sont si flagrantes qu'elles requièrent des mesures immédiates : l'échec persistant à fournir des services sociaux appropriés aux filles et aux femmes vivant dans la pauvreté et la violence endémique à l'égard des femmes et des filles autochtones.
L’insuffisance des taux d’aide sociale
L'une des recommandations du Comité de la CEDEF consistait en l'établissement de normes minimales pour l’aide sociale, applicables aux échelons fédéral, provincial et territorial. Mais selon le rapport de l'AFAI, le gouvernement fédéral transfère plutôt des fonds aux provinces et territoires en leur permettant de fixer des taux d’aide sociale si faibles qu’ils contreviennent aux obligations du Canada en matière de droits humains. En effet, la majorité des revenus d’aide sociale des provinces et territoires demeurent bien en-dessous du seuil de faible revenu de Statistique Canada. Avec entre autres pour conséquence que des femmes ne peuvent quitter leur conjoint violent en raison de barèmes d’aide sociale insuffisants pour les soutenir, elles et leurs enfants.
La violence endémique à l’égard des femmes et des filles autochtones
Le lien entre pauvreté et violence est particulièrement évident dans les violations des droits humains des femmes et des filles autochtones. Statistique Canada révèle que le taux de pauvreté des femmes autochtones est deux fois plus élevé que celui des non autochtones, tandis que les femmes autochtones signalent des taux de violence quatre fois plus élevés que pour les non autochtones. Elles sont également cinq fois plus susceptibles de mourir de mort violente.
La pauvreté et la dépendance économique, combinées au racisme et à l’indifférence des autorités juridiques, font des femmes autochtones des proies faciles pour les hommes violents, et elles peuvent difficilement échapper à cette violence endémique. Dans un rapport publié en mars 2009, l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) a documenté les disparitions et les meurtres de 520 femmes et filles autochtones, dont près de la moitié se sont produits depuis l'année 2000. L’AFAC souligne que ce nombre ne reflète probablement pas la réalité, leurs données n'incluant que les cas présentés dans le domaine public. Comme beaucoup d’autres ONG, l'AFAC croit que le nombre de femmes autochtones disparues et assassinées est bien plus élevé. Pour avoir une photo réaliste de la situation, encore faudrait-il que la police note systématiquement si les personnes disparues et les victimes de violence sont autochtones ou pas.
Par ailleurs, beaucoup de ces disparitions et de ces meurtres n’ont pas fait l’objet d’enquêtes promptes et complètes de la part des services de police. Rappelons par exemple les 69 meurtres de femmes majoritairement autochtones qui ont eu lieu à Vancouver pendant près de 20 ans tandis que la police persistait à refuser d'investir les ressources nécessaires à une enquête sérieuse.
En 2008, le Comité de la CEDEF recommandait au Canada de chercher les raisons de l’échec des autorités policières à mener une enquête approfondie sur la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones et de «prendre les mesures nécessaires pour pallier les déficiences du système». Le Comité a aussi recommandé que le Canada «élabore un plan spécifique intégré couvrant la situation particulière des femmes autochtones, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, […] et traitant notamment les questions relatives à leur pauvreté, leur état de santé médiocre, leurs mauvaises conditions de logement, leur faible taux de réussite à l’école [et] leur faible taux d’emploi et de revenu».
Le gouvernement du Canada dit que ces sujets sont à l'étude et qu'il a créé deux groupes de travail fédéral-provinciaux-territoriaux pour en discuter. Ces groupes, qui travaillent à huis clos, ne se consacrent pas exclusivement aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées. À ce jour, ils n’ont produit aucun résultat concret.
Source additionnelle : AFAI, 02.02.2010
Pages reliées :
Égalité des femmes - Le Canada tire de l'arrière : la Fédération des femmes du Québec et d'autres organisations s'adressent à l'ONU, FFQ, 22.02.2010
Women lose ground in push for equality: report, CBC News, 22.02.2010
Assez de vies volées. Discrimination et violence contre les femmes autochtones au Canada : une réaction d’ensemble est nécessaire, Amnesty International, 30.09.2009
Walk 4 Justice demands answers to missing women cases, Christine McLaren, The Hook, 05.06.2009
La réputation du Canada mise à mal, Jean-Louis Roy, Le Devoir, 13.02.2009
Missing/Murdered First Nations Women