par Étienne Côté-Paluck, en Haïti depuis la mi-janvier 2010
La relocalisation de 9 000 déplacés en provenance de sept camps jugés à haut risque d'inondation a débuté avant-hier à Port-au-Prince. Le branle-bas de combat donne le coup d'envoi à la planification de ce qui pourrait devenir une nouvelle ville. Celle-ci sera édifiée sur des sites de 7 450 hectares dans la plaine bordant la partie nord de l'agglomération.
Rencontré samedi au cours de sa visite sur le site du tout premier de ces grands camps de relocalisation, le président haïtien René Préval y voit une « extension naturelle » de Port-au-Prince. « Pour le moment, nous sommes dans l'urgence. Il faudra par la suite étudier [la possibilité d'y installer] une agglomération urbaine avec des places publiques, des écoles et un habitat évolutif, explique-t-il. On ne va pas en rester là, on va leur donner quelque chose de plus permanent et pouvant correspondre aux normes d'habitat convenables. »
Seules une cinquantaine de personnes ont été déplacées samedi du camp situé sur le site du club de golf Pétionville vers ce premier camp baptisé Corail à 15 km du centre-ville. Cinquante autres personnes ont emprunté hier les deux autobus prévus pour cette opération qui a tout d'un test logistique. Ce nouveau camp, sur lequel s'affairaient des dizaines de tracteurs ainsi que de la machinerie lourde lors de notre passage, doit accueillir 8 000 personnes, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
France Hurtubise, porte-parole de cet organisme onusien, affirme que l'information au sujet de cette relocalisation est transmise en collaboration avec les comités responsables des camps qui ont surgi dans les jours suivant le séisme et qui ont une « relation directe avec les déplacés ». « Il y a 200 à 300 personnes qui interviennent notamment au site du terrain de golf, un des points centraux, et qui communiquent aux personnes déplacées les possibilités qui se présentent pour elles », explique-t-elle.
Des déplacés pourraient retourner chez eux
La relocalisation des déplacés à Corail serait l'une des cinq possibilités offertes aux déplacés, tout comme un éventuel retour dans leur quartier d'origine ou une aide pour la relocalisation dans une autre région de leur choix. Pourtant, au moment où l'opération débute, seule l'option de relocalisation vers Corail semble avoir été offerte, sans pour autant être obligatoire.
« Je n'aurai pas les moyens ni l'appui de mes proches si je me déplace à Corail : c'est trop loin de mon quartier », explique une résidente du camp du club de golf croisée avec des amies samedi à l'entrée de sa tente. « J'aurais plutôt aimé aller dans la région où j'ai grandi, à Baradères », dit-elle sans savoir que cette option aurait aussi dû lui être proposée.
« On est en train d'inspecter les maisons [des quartiers touchés], affirme le président René Préval au sujet de l'opération de relocalisation. Quarante pour cent des maisons ont été jugées aptes à recevoir de nouveau les résidants [60 % selon l'OCHA]. Certaines maisons ne sont plus habitables et on doit les nettoyer. Ceux qui peuvent retourner sur ces sites le feront. Il y a d'autres gens pour qui on cherche une famille d'accueil. Finalement, il y a des gens qui n'ont rien et ce sont eux qui se retrouvent ici volontairement. »
Faire le saut
Monique Jonas et sa famille de sept ont justement décidé de faire le saut à Corail, au pied des montagnes. Elle a fait le voyage dans l'un des deux autobus prévus pour les premiers déplacés relocalisés.
« On n'a pas de problème avec le fait que ce camp soit éloigné, explique-t-elle, sauf pour l'école des enfants. Les enfants allaient à l'école à Delmas [un quartier limitrophe du club de golf] et aucun n'a terminé ses études. On ne sait pas comment on va faire, mais on sait que [le gouvernement, les ONG et l'ONU] vont nous aider. »
La trentaine de tentes installées à Corail sont bien alignées et peuvent accueillir chacune une famille d'une dizaine de personnes, ce qui contraste avec les petites habitations disparates des collines du club de golf. La famille de Mme Jonas a d'ailleurs reçu samedi soir des rations militaires pour le premier repas sur place. Toutefois, la pluie de la nuit de samedi à hier a pénétré dans sa tente, comme dans toutes celles de ses voisins, et les responsables du camp en ont été avertis.
Ceci ne décourage pas pour autant Mme Jonas et sa famille, même s'ils ne savent pas trop comment les responsables vont régler la situation. « Au moins, il n'y a pas de boue ici, affirme-t-elle en rigolant. On va tout de même encourager nos amis à venir s'installer ici. »
Source : Le Devoir, 12.04.2010
Pages reliées :
Haïti, trois mois après le séisme - Retrouver confiance et dignité, Étienne Côté-Paluck et Gotson Pierre, Le Devoir, 10.04.2010
La vie s'organise dans les camps de déplacés (pour les abonnés), Étienne Côté-Paluck, Le Devoir, 10.04.2010
Haïti, deux mois après le séisme (entrevue avec Étienne Côté-Paluck et Samuel Pierre), Christiane Charette, Radio-Canada, 09.03.2010