L'histoire des désastres naturels nous apprend que les périodes de crise qui les succèdent ont tendance à exacerber les inégalités ultérieures entre les sexes, en plus de faire apparaître de nouvelles problématiques. Parmi les plus flagrantes, on observe un accroissement des violences, notamment d’ordre conjugal et sexuel. Le cas du récent tremblement de terre en Haïti peut en témoigner. La présence accrue de violences augmente les demandes des femmes pendant la crise, demandes dont on tient souvent peu compte dans les politiques publiques et les initiatives en matières de santé pré et post désastre.
À ces constats maintenant devenus classiques dans l'analyse genrée des désastres naturels, les chercheuses universitaires Pam Jenkins et Brenda Phillips viennent réaffirmer de manière originale la nécessité d'imposer des orientations féministes aux plans de reconstruction. Leur étude sur l'ouragan Katrina démontre l'importance d'inclure des femmes violentées dans la recherche de solutions, en raison du pouvoir d'empowerment qu'un désastre peut entraîner. Contrairement au sens commun, un désastre et les opérations de secours qui s’ensuivent créent des opportunités pour certaines femmes de quitter leur foyer et de reconstruire une nouvelle vie plus sécuritaire. Puisque les désastres naturels provoquent souvent la dislocation des réseaux sociaux qui apportaient préalablement un soutien émotif et financier aux femmes violentées, celles-ci ont peu d'autres alternatives que de retourner dans leur foyer. La nécessité d'inclure dans un plan d'urgence et de reconstruction de la formation aux premiers répondants des opérations de secours, des programmes d'intervention spécifique et la présence de maisons d'hébergement pour femmes violentées est alors cruciale.
En effet, plusieurs femmes interrogées lors de l'étude ont affirmé être capables de vivre avec la violence avant l'ouragan, mais qu'elles ne sont plus parvenues à la tolérer par la suite : « L'ouragan m'a ouvert les yeux, il [conjoint] ne m'a pas offert de soutien ». La crise entourant le désastre peut ainsi permettre de réorienter sa vie : « L'orage m'a permis de partir. Nous avons évacué à différents endroits. Je suis allée en Louisiane du Nord et il est allé à l'ouest. Nous sommes revenus à la ville à des moments différents, et j'ai été capable de vivre pour de bon ».1
En rétrospective, l'étude sur l'ouragan Katrina a permis de mettre en lumière l'importance d'une planification des opérations de secours et de reconstruction en collaboration avec les femmes des organisations de la base des communautés. Ces actrices connaissent le terrain, ont de l'expérience, possèdent de l'information, les réseaux et des ressources vitales qui permettent d'augmenter la résilience à la violence.
Rappelons que des guides pour intervenant-es sont disponibles sur la toile pour mieux planifier et gérer les situations de violence faite aux femmes dans des situations de désastre et humanitaires.
1- Traduction libre de citations en anglais tirées de l'article de Jenkins et Phillips,
Source : Pam Jenkins et Brenda Phillips, Battered Women, Catastrophe, and the Context of Safety after Hurricane Katrina, NWSA Journal, Volume 20, Numéro 3, automne 2008.