« Afin de combler le présent déficit budgétaire de l’État, le gouvernement québécois a entamé une large démarche de révision de ses sources de revenus. Plusieurs idées sont avancées; l’option d’une augmentation de la tarification exigée en échange d’un accès à un service semble être retenue par le ministère des Finances. » Dans cette étude, Philippe Hurteau, Guillaume Hébert et Francis Fortier de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) « démontrent de quelle manière la « révolution tarifaire », imposée à la population par le gouvernement québécois, est motivée non pas par le rétablissement de l’équilibre budgétaire, mais par un projet politique visant à transformer profondément le rôle de l’État. Par le recours à la tarification, le gouvernement opère un démantèlement du financement collectif des services publics au profit d’un financement individualisé basé sur le principe de l’utilisateur-payeur. Ce passage d’un régime fiscal vers un autre a également comme résultat d’importer au sein des services publics les pratiques managériales issues de l’entreprise privée ». À terme, un service entièrement tarifé peut être très facilement privatisé que ce soit en tout ou en partie.
Principales conclusions de l'étude
« • Dans les secteurs de l’hydro-électricité, de l’éducation postsecondaire, de la santé et des services de garde, d’importantes augmentations tarifaires sont à prévoir si le gouvernement décide d’appliquer jusqu’à son terme le principe de l’utilisateur-payeur.
• Par le financement des services publics au moyen de la tarification, le gouvernement instaure une forme de fiscalité régressive.
• Pour un ménage du 2e quintile (24 410$ en revenus annuels), la révolution tarifaire représente une augmentation de 17,98% des tarifs à payer vis-à-vis de ses revenus si l’un de ses membres va à l’université et de 7,45% s’il envoie un enfant en service de garde.
• À l’opposé, pour un ménage du 5e quintile (194 500$ en revenus annuels), la révolution tarifaire ne représente qu’une augmentation de 2,40% des tarifs à payer par rapport à ses revenus si l’un de ses membres va à l’université et de 1,08% s’il envoie un enfant en service de garde.
• La tarification est une mesure de financement qui nuira à l’accessibilité aux services publics pour les plus démunis et pour la classe moyenne, ces deux groupes ne pouvant assumer le paiement des tarifs exigés.
• L’absence de tarifs ou leur maintien à de bas niveaux a déjà prouvé son efficacité en termes d’accessibilité. Par exemple, la fréquentation postsecondaire des jeunes Québécois et Québécoises de 15 à 24 ans (47,83%), qui profitent des tarifs les plus bas, est la plus élevée au Canada.
• En basant le financement des services publics sur la tarification, le gouvernement souhaite favoriser le développement de la concurrence inter-établissements au sein des services publics.
• L’objectif n’est plus de baser le financement des services publics sur les besoins de la population, mais sur la performance économique des administrateurs qui sera mesurée à leur capacité d’autofinancer leurs établissements.
• Le « fonds santé » créé lors du dernier budget est un bon exemple de ce glissement, puisque la distribution des sommes y étant accumulées se fera en fonction de la performance des établissements et non en fonction de leurs besoins.
• Au final, la révolution tarifaire vise à instaurer un rapport purement marchand, de type coûts-bénéfices, entre la population et les services publics qui lui sont offerts. »
Sources : communiqué de l'IRIS du 05.10.2010 et sommaire de l'étude
Pages reliées :
Rapport de l'IRIS - L'impact des hausses de tarifs pour la classe moyenne québécoise, Radio-Canada, 05.10.2010
Francis Fortier, chercheur associé à l'IRIS, parle de la révolution tarifaire avec Benoît Dutrizac, 98,5 fm, 05.10.2010