Le numéro de l'été 2011 de la revue À bâbord! inclut un dossier intitulé Hull, ville assiégée, coordonné par Jean-Pierre Couture, qui se penche sur « un cas extrême dans l’histoire de la géographie de la dépossession : l’Île de Hull, devenue centre-ville de Gatineau », d'après la présentation qu'il en fait. « Quartier satellite de la capitale fédérale, Hull a subi au début des années 1970 une transition économique brutale qui la fit passer instantanément de l’ère industrielle à celle de la fonction publique. Cette violente tertiarisation de son économie, par voie d’expropriations pilotées par les trois paliers de gouvernement, a saigné la population hulloise, ses habitations, ses institutions, ses commerces sous couvert d’un état d’exception toujours invoqué, toujours pratiqué qui empêche d’habiter des lieux dédiés à l’automobilité de milliers de servants de l’État fédéral. Symptôme de la vassalité d’une région aliénée, Hull est un faire-valoir de la riche Ottawa. Hull, strip nocturne pour la jeunesse ontarienne. Hull, vue honteuse du Parlement. Hull, taudis. Hull, poubelle. Hull, parking.
Les contributions de ce dossier documentent le fait que la réalité hulloise est un exemple grossi d’une série d’enjeux auxquels font face de nombreuses régions du Québec, que l’on pense à l’étalement des banlieues, à la pauvreté urbaine ou à la lutte pour le patrimoine architectural et historique. Un entretien avec Bill Clennett pose quelques diagnostics sur ce désastre d’urbanisation que les pouvoirs publics, sans imagination ni audace, ont tardé à reconnaître. Dalie Giroux, Frédéric Mercure et Michel Prévost réfléchissent sur la disparition symptomatique (voire refoulée) des vestiges du passé industriel de Hull tantôt rayé de la carte, tantôt laminé par la circulation « toute naturelle » des travailleurs motorisés. Isabelle Fournier et Stéphane Vigneault dégagent les possibles chemins d’une revitalisation urbaine, tandis qu’Alex Dumas rappelle la hauteur des défis à relever dans le quart-monde de l’Outaouais. Ces analyses se recoupent et se nouent autour de la grande cicatrice des expropriations gouvernementales qui, par l’entremise du récit proposé par Roger Blanchette, apparaissent clairement comme donne structurelle pour toute future renaissance viable et durable d’une ville où personne n’habite mais où tout le monde circule. »