par la Table des groupes de femmes de Montréal
En 1997, afin de prendre en compte les conditions de vie des femmes du territoire de Montréal, le Conseil régional de développement de l’île de Montréal (CRDÎM), à l’instar des autres conseils régionaux de développement du territoire québécois, songe à doter son conseil d’administration d’un siège Femmes. Une association informelle de femmes issues de la toute nouvelle Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM née en 1996), du monde municipal, provincial et syndical répond à cette initiative en démontrant que cette structure est inadéquate ne serait-ce que pour transmettre les préoccupations des Montréalaises. Si la détermination du CRDÎM est celle d’une réelle participation des Montréalaises au développement de leur région, ces interlocutrices font valoir que la mise sur pied de son propre « comité aviseur femmes » serait une solution beaucoup plus adéquate.
Retenant en partie cette solution, le CRDÎM revient avec une proposition dans laquelle il invite la TGFM à prendre en charge le « comité aviseur femmes ». Il s’agit d’un comité qui évoluerait en dehors des structures du CRDÎM mais qui, néanmoins, aurait un soutien financier à même le Fonds de développement régional.
Après consultation auprès des groupes de femmes de la région de Montréal et en concertation avec ses partenaires, la TGFM refuse cette dernière proposition et met de l’avant une contre-proposition dans laquelle elle réitère sa demande que le « comité aviseur femmes » fasse partie de la structure même du CRDÎM. Seule une telle structure administrative bénéficiant d’un budget autonome pourra garantir que les femmes ne soient pas identifiées à une clientèle particulière ou à une thématique précise; au contraire, cette façon de faire mettra en évidence que les préoccupations des Montréalaises sont transversales et, de ce fait, s’inscrivent à l’intérieur de tous les dossiers de développement, soient-ils économiques, sociaux ou culturels.
La Table et ses partenaires proposent aussi une autre mesure qui, parallèlement à la mise sur pied d’un « comité aviseur femmes », demande la mise en place d’un poste de coordonnatrice à temps plein afin d’assurer le relais des préoccupations et recommandations du « comité aviseur femmes » dans tous les comités du CRDÎM.
La proposition de la Table et de ses partenaires est adoptée par toutes les instances du CRDÎM incluant son comité exécutif. Le CRDÎM devient le premier conseil régional de développement à se doter d’une structure interne de condition féminine formée d’un « comité aviseur femmes » et d’une coordonnatrice. Il fait ainsi preuve d’avant-gardisme, de leadership et d’un réel sens de l’équité. C’est une importante victoire pour les Montréalaises, qui ont longtemps été les seules à obtenir et à œuvrer à l’intérieur d’une telle structure.
La composition du comité Femmes du CRDÎM reprend sensiblement la composition statutaire des conseils régionaux de développement. Y siègent ainsi des représentantes du secteur scolaire, municipal, économique, socio-sanitaire, syndical, coopératif et culturel; la Table, quant à elle, reçoit le mandat d’y siéger pour représenter le secteur des groupes de femmes du territoire montréalais. Le comité Femmes peut aussi s’adjoindre des personnes ressources en matière de condition féminine comme le Bureau régional de Montréal du Conseil du statut de la femme ou une représentante du ministère des régions.
La loi 34, adoptée en décembre 2003, remplace les conseils régionaux de développement par les conférences régionales des élus (CRÉ) dans toutes les régions du Québec. Lors de ce changement, plusieurs sollicitations sont adressées à la TGFM afin qu’elle partage avec d’autres groupes sa présence à la CRÉ de Montréal : c’est ainsi que des représentantes et représentants des jeunes, des aîné-es, des lesbiennes, gais, bisexuel-les et transgenres (LGBT), qui veulent obtenir un siège à la nouvelle CRÉ, demandent à la Table de siéger à tour de rôle. La TGFM refuse de diluer la participation des Montréalaises à la CRÉ en reprenant les mêmes arguments voulant que les femmes ne sont ni un secteur ni une thématique.
En matière de condition féminine, la CRÉ accepte tout d’abord le statu quo; les Montréalaises gardent un poste de coordination à plein temps, un budget autonome et le comité Femmes où la Table siège encore. Ce comité est le seul à survivre tel quel à la restructuration.
À partir de 2007 toutefois, la place des Montréalaises au sein de la CRÉ de Montréal se dégrade :
• le poste à temps plein de coordonnatrice à la condition féminine est transformé en un poste d’agente de développement à temps partiel
• le comité Femmes voit ses pouvoirs décisionnels, son autonomie opérationnelle et son budget considérablement réduits.
Ce serait la gestion des premières ententes spécifiques conséquentes à la politique gouvernementale À égalité pour décider par les CRÉ qui sert de prétexte à ce réaménagement interne. Le comité Femmes n’ayant pas la gestion de ces ententes, il se vide de son sens et de son budget.
Récemment, la Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire modifiait les structures internes des CRÉ, en particulier la composition et les pouvoirs des conseils d’administration. Celui-ci est désormais composé à Montréal de 400 personnes : 2/3 des sièges sont réservés aux éluEs et 1/3 sont confiés aux représentantEs de la société civile. Également, certains sièges sont réservés à différents secteurs socio-économiques, dont un siège pour les femmes.
De nouveau la CRÉ propose ce siège à la TGFM! Nous retournons donc à la case de départ d’il y a 15 ans. Et pour les mêmes raisons historiques évoquées par la TGFM et ses partenaires en 1997, la Table le refuse de nouveau.
À ces raisons s’ajoute le fait que le pouvoir d’influence de ce siège, le seul que l’on puisse espérer, serait quasiment nul dans un conseil d’administration composé de 400 personnes et amputé de ses pouvoirs qu’il voit réduits au minimum prévu par la loi : l’adoption de la planification, des états financiers et l’élection du comité exécutif. Une présence de la Table à ce siège aurait pour seul résultat de cautionner implicitement les décisions prises par ces instances.
Page reliée : Le défi de l’égalité en contexte de développement régional au Québec, Denyse Côté et Camille Tremblay-Fournier, 2011
Source : TGFM, 06.12.2012