La représentation de soi en tant que personne vieillissante reflète non seulement des changements physiologiques incontournables, mais également une construction identitaire faite dans un contexte social et historique bien distinct. Comment la personne aborde-t-elle cette transition de vie? Quels sont les effets de l’âgisme ambiant dans une société hautement médicalisée? Les femmes ont-elles un parcours différent de celui des hommes?
Le 28 janvier, l’ORÉGAND, en collaboration avec le Réseau québécois en études féministes (RéQEF) et le Comité de recherche 04 de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF), tenait une conférence-midi au cours de laquelle Guilhème Pérodeau, professeure au Département de psychologie et de psychoéducation de l’UQO, traitait de ces questions.
Si en 1948, Simone de Beauvoir, alors âgée de 40 ans, se percevait comme une vieille femme, ce n'est plus le cas des femmes de cet âge aujourd'hui. En bonne partie, le vieillissement est une question de perceptions, de représentations, qui ont évolué depuis. Par contre, en 1970, dans La vieillesse, elle lançait un cri d'alarme sur l'ostracisation du troisième âge, déplorant que, dans les sociétés occidentales, le savoir se périme avec les années plutôt que de prendre de plus en plus de valeur. Un cri d'alarme toujours aussi pertinent en 2014.
Dans une culture axée sur la jeunesse et la beauté, les changements associés à l'âge dévalorisent particulièrement les femmes. Alors que l'homme vieillit petit à petit sans qu'on fasse tout un plat de l'andropause, la femme est brusquement dépouillée de sa féminité à la ménopause, perçue comme une déficience hormonale à laquelle il convient de remédier. Ce qui n'est pas le cas dans tous les pays; au Japon par exemple, on fait peu de cas de la ménopause.
Le vieillissement est donc plus difficile à vivre pour une femme que pour un homme, d'autant plus que les retraitées disposent de moins de ressources financières et prennent plus souvent soin de proches en perte d'autonomie. Pas étonnant que les femmes âgées de 65 ans et plus souffrent plus souvent d'anxiété et de mal de vivre que les hommes.
Ce qui ouvre un vaste marché à l'industrie pharmaceutique qui a intérêt à médicaliser le vieillissement. Dans un contexte où le vieillissement est synonyme de pertes, de solitude et de décrépitude, la consommation de benzodiazépines se normalise. Alors que les médicaments psychotropes devraient être consommés à court terme, les femmes en prennent pendant des années.
Madame Pérodeau conclut son exposé sur la nécessité de sensibiliser tant les femmes âgées que les professionnel-les de la santé sur ce problème de santé publique et social, et de faire évoluer le discours sur le vieillissement afin qu'il soit bien vécu, ce qui bénéficierait aussi à la collectivité.
Voir aussi : Simone de Beauvoir parle de La vieillesse (1970).