Rapport parallèle sur la mise en œuvre par le Canada de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing
Selon un nouveau rapport préparé par un réseau d’ONG, de syndicats et d’expertes indépendantes et édité par le Centre canadien de politiques alternatives, les cinq dernières années ont été marquées par un ralentissement des progrès visant à combler l’écart entre le bien-être des femmes et celui des hommes au Canada. Le rapport met en lumière les secteurs où l’inégalité persiste ou a empiré et aborde les enjeux prioritaires identifiés à Beijing en 1995.
On note que, malgré leurs gains dans le domaine de l’éducation, les femmes ne comptent que pour 25% de tous les cadres supérieurs. Le pourcentage de femmes vivant dans la pauvreté a augmenté au cours des 20 dernières années à plus de 13% aujourd’hui, et il est toujours systématiquement plus élevé que celui des hommes. Les femmes autochtones, racisées ou en situation de handicap sont surreprésentées parmi les femmes pauvres. Les taux d’emploi des femmes ont augmenté entre 1995 et 2000, mais sont demeurés stagnants au cours de la dernière décennie et systématiquement inférieurs aux taux d’emploi des hommes.
Par ailleurs, plus d’un million de femmes ont signalé avoir subi des agressions sexuelles ou la violence d’un partenaire au cours des cinq dernières années. Les taux de violence par un partenaire ont diminué d’à peine 1% au cours des deux dernières décennies, avec 6,2% de la population signalant aujourd’hui avoir subi de tels incidents de violence, par comparaison à 7,4% en 1999. Les taux d’agressions sexuelles ont légèrement augmenté, de 2,1% en 1999 à 2,4% aujourd’hui. Les femmes et les filles autochtones sont trois fois plus susceptibles que les non-autochtones d’être victimes de violence. En réalité, la violence infligée aux filles et aux femmes autochtones a atteint des niveaux tels qu’elle a suscité la visite au Canada de nombreux organes multilatéraux des droits de la personne.
Chaque section du rapport examine les facteurs qui contribuent à l’inégalité, mais il ne faut pas oublier qu'ils se recoupent et s’influencent mutuellement. Certains facteurs refont obstinément surface tout au long du rapport. Des thèmes récurrents dans toutes les sections comprennent notamment un ralentissement marqué des progrès quant aux mesures visant à combler l’écart entre le bien-être des femmes et celui des hommes. Il y a également des différences importantes et persistantes entre différents groupes de femmes, les femmes autochtones, racisées ou immigrantes, de même que les femmes en situation de handicap, qui subissent de façon disproportionnée les conséquences de l’inégalité.
L’absence d’un plan d’action panministériel détaillé sur l’égalité entre les sexes, ou de stratégies nationales en matière de logement et de réduction de la pauvreté, empêche le gouvernement du Canada de faire des progrès concertés en vue de garantir aux femmes qu’elles ne seront pas privées d’une sécurité économique et personnelle de base seulement parce qu’elles sont des femmes. De plus, en conséquence de l’absence systématique d’analyse différenciée selon les sexes (ADS), les politiques et programmes échouent à répondre aux besoins spécifiques des femmes. Au fil des ans, le Canada a aussi bafoué plusieurs de ses engagements envers l’égalité des femmes alors qu'il devrait se conformer aux recommandations des organes de suivi des traités de l’ONU. Il devrait aussi mettre en oeuvre son Plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité, et s’assurer que son aide internationale soit conforme aux normes internationales des droits de la personne.
L’inefficacité des initiatives gouvernementales actuelles est également déconcertante. Les initiatives en cours qui minent directement les dispositions de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing comprennent la Prestation universelle pour la garde d’enfants, les engagements envers le partage du revenu des couples et l’Initiative sur la santé maternelle qui n’autorise pas le financement de services d’avortement. Des enseignements précieux et des pratiques novatrices se sont également perdus en raison des compressions à Condition féminine Canada, de l’adoption de politiques ne tenant pas compte de l’égalité des sexes et des coupures au financement des organisations menant des activités de recherche et de counseling politique sur les meilleures pratiques pour réaliser l’égalité entre les sexes. L’absence de données clés sur la condition des femmes, y compris l’élimination de la forme détaillée du recensement, réduit d’autant la faisabilité d’une ADS, diminuant la capacité du gouvernement à produire des recherches efficaces en matière de politiques publiques.