Depuis la Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995, différentes stratégies ont été mises en place pour renforcer le pouvoir politique des femmes dans les pays signataires de la Déclaration. Dans les instances de gouvernance de l'administration publique, tous paliers confondus, des mécanismes ont été créés pour contrer les inégalités entre les sexes en matière de représentation : les quotas, qui assurent un nombre minimal de sièges accordés aux femmes ou un nombre minimal de candidates à une fonction élective, ou encore l'analyse différenciée selon les sexes (ADS) qui assure la prise en compte des intérêts particuliers des femmes lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre de politiques et de programmes. Les sièges femmes (ou sièges « Condition féminine ») visent à palier à la sous-représentation des femmes et de leurs intérêts.
En plus d'être une mesure compensatoire, le siège femmes a cette particularité d'assurer « une représentation qualitativement différente de celle exercée par les autres décideuses élues » dans les instances décisionnelles. Il consiste à réserver un siège à une déléguée des groupes de défense des droits et intérêts de femmes. Au Québec, suite à la pression exercée par des groupes de femmes, les conseils régionaux de développement (CRD) ont établi des sièges femmes dans les années 1990 et ce, dans 13 des 17 régions administratives.
La sociologue Dominique Masson avance que « c’est à ces structures qu’on doit, dans la plupart des régions, tout le travail qui a mené à l’intégration croissante des femmes dans les politiques de développement régional ». Selon elle, les sièges femmes assurent un nombre minimal de femmes au sein d'une instance ainsi que la représentation des intérêts des groupes de femmes en matière de financement, de mission et d’expertise. Ils assurent la représentation et la défense des intérêts des femmes de manière transversale dans la planification du développement et dans l'application des mesures en faveur de l'égalité. Enfin, ils se différencient des autres sièges occupés par des femmes déléguées d'organismes à majorité masculine.
Les sièges femmes se distinguent également des « sièges égalité ». Ces derniers visent aussi à défendre des mesures permettant l’atteinte de l’égalité entre les sexes dans différents domaines à la différence qu’ils retirent la reconnaissance de l'expertise des groupes de femmes en matière de défense des droits et des intérêts des femmes. En plus de ne pas assurer la représentation des intérêts des groupes de femmes au sein des instances, ils n’y assurent pas une présence minimale de femmes, le siège pouvant être occupé par un homme. Le remplacement d'un siège femmes par un siège égalité comporte donc certains risques, entre autres la mise à l’ombre de la persistance de discriminations structurelles et systémiques à l'égard des femmes.
Depuis le remplacement des CRD par les conférences régionales des élus (CRÉ), plusieurs sièges femmes ont disparu dans les régions québécoises. Il n'est pas clair s'ils seront éventuellement rétablis, ou si un nouveau modèle de représentation des intérêts des femmes verra le jour.
Sources :
BRAIS, Nicole et Winnie FROHN (2000), «État local et mouvement des femmes à Québec : une étude de cas» , dans Lien social et Politiques, n° 47, 2002, p. 55-66.
CONSEIL RÉGIONAL DE DÉVELPPEMENT DE L'ÎLE-DE-MONTRÉAL (1999), Politique sur la place des femmes dans le développement de l'Île de Montréal.
CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME (2003), Commentaires sur le projet de loi no 34 - Loi sur le ministère du Développement économique et régional, Québec: Gouvernement du Québec.
CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME (2000), Les restructuration municipales : un défi d'équité pour les femmes, Québec: Gouvernement du Québec.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2000), Les femmes et le développement local et régional, les femmes au cœur des décisions, Québec: Gouvernement du Québec.
MASSON, Dominique (2001), «Gouvernance partagée, associations et démocratie : les femmes dans le développement régional», Politique et Sociétés, vol. 20, n° 2-3, 2001, p. 89-115.
Nicole Thivierge et Marielle Tremblay (dir.) (2002), Régionalisation et démocratie: Les défis d'une citoyenneté active pour les femmes, Relais-femmes/IREF.